Quels sont dans votre quotidien, les principaux garde-fouscontre les mauvaises surprises ?
Ma première réaction, à la connaissance des propos de McGee,l’auteur de Heads Up, est qu’en Chine, alors que tout peut seconstruire ou se défaire à la vitesse de l’éclair, tout dirigeant est obligé d’avoir une réflexion très complexe. S’il ne peut tout faire ou tout contrôler, car il doit dispenser son temps là où sa création de valeur est la plus forte, il lui est cependant nécessaire de rester vigilant sur tous les domaines, en déléguant comme en contrôlant. Dans mon équipe, un mot d’ordre : un problème doit être résolu lorsqu’il émerge, lorsqu’il est encore mineur, à l’état de signal faible. Par ailleurs, la Chine n’est pas un marché où les règles sont très précises, au contraire, elles sont souvent ambiguës. D’où la nécessité d’entretenir de bonnes relations avec des personnes clés ; pour anticiper une mauvaise surprise, les relations interpersonnelles, sans pour autant tout leur consacrer, sont au moins aussi importantes que le meilleur des systèmes de reporting d’informations.
Sur votre marché, la concurrence reste-t-elle la principale source de mauvaises surprises ?
Oui, en cassant les prix ; nos clients en Chine ne se caractérisent pas par leur fidélité, ils recherchent le moindre cent de rabais sur leurs achats et vont vers le meilleur offrant. Or, une partie conséquente de la proposition de valeur que nous leur faisons est le service qui accompagne les produits. Tout nouvel entrant, souhaitant s’installer, casse les prix et n’introduit en fait que du désordre. Nos clients réfléchissent souvent à court terme avant tout, la guerre des prix mène la danse, et cette stratégie nous conduit à ne plus distribuer le produit incriminé : fin du service associé, baisse des marges et mort du produit au final. Tout le monde y perd. Depuis dix-huit mois, nous travaillons à développer des relations plus étroites avec nos distributeurs (support pour les salons, formation des vendeurs du distributeur, etc.), et cet effort porte aujourd’hui ses fruits : les distributeurs nous sont beaucoup plus fidèles, et nous commençons même à contractualiser avec eux, ce qui était impensable en Chine il y a quelques années ! Cette relation de confiance dans la durée a donné de la valeur aux services que nous associons aux produits, et nous permet aujourd’hui de faire face à cette guerre des prix. Pour aller plus loin, il me faut aujourd’hui amener nos clients à prendre le même type de décision (rester à l’écoute du marché, ne penser qu’au client et à ses attentes) pour verrouiller autour de nous le meilleur système de défense qui soit : un réseau d’affaires basé sur la qualité et la confiance. [...] Le résultat ? Une confiance accrue de nos distributeurs, rassurés par notre attitude ; un élargissement
de notre gamme à de nouveaux produits, jugés plus fiables et aux services qui les entourent ; une sensibilisation de toute l’équipe de vente chez Long Initiatives. Et aujourd’hui, une croissance significative des ventes sur la zone concernée. Un réseau d’affaire au relationnel « verrouillé », cela ne suffit pas… Non, bien sûr. Le devoir de vigilance est une constante. L’autre gros problème sur le marché en Chine est le personnel. Le départ d’un excellent vendeur ou manager est toujours une mauvaise surprise, surtout pour une PME dont les ventes sont du coup immédiatement affectées. Mais là aussi, tout dépend de la préparation et de la prévention dont le depart est entouré. Dernièrement, le responsable de nos ventes sur le secteur de Pékin nous a quittés, mais non sans avoir prepare son départ de longue date. Nous n’avons pas senti les signaux faibles immédiatement, cependant certains elements d’information (prix trafiqués, collecte anormale d’information sur les clients de Long Initiatives, etc.) ont vite éveillé mon intérêt. Il a démissionné, est parti avec le listing clients et a monté une entreprise concurrente avec les mêmes fournisseurs et les mêmes clients. Comment réagir alors ? Notre réaction – se concentrer sur ce qu’on est, sur nos valeurs, nos services – difficile en soi, fut bénéfique pour deux raisons : la restauration de la confiance de nos équipes, et la consolidation de notre marché. Une bonne équipe est donc le nerf de la guerre ? Bien sûr. L’essentiel est que chacun soit conscient de la place qu’il occupe dans l’entreprise ; et au-delà d’un simple principe de reconnaissance, chaque manager doit aussi savoir traiter le cas de chacun de ses collaborateur individuellement, et surtout, tenir ses promesses. Pourquoi y a-t-il tant de turnover dans les entreprises ? Car ces dernières manquent à tenir leur parole. Chez Long Initiatives, une personne reste en moyenne trois ans, et ce taux est en amélioration constante depuis plusieurs années. Chez nos concurrents, ce turnover est plutôt de un à deux ans ! Ce sont les personnes qui font les affaires, pas les machines ni les process, qui ne sont que des outils. Les informations et les procédures pour les obtenir et les traiter au bon moment sont nécessaires, mais pas suffisantes. Collecte, traitement, diffusion de l’information et decision sont le fait de personnes qui seront les premières à réagir face aux mauvaises surprises. Sur notre marché, très concurrentiel, où toutes les années nous supprimons 30 % de produits et ajoutons 40 % de nouveaux articles à nos catalogues, il nous est absolument nécessaire de bien recruter, former et conforter nos équipes. Ce sont elles qui seront les aides les plus précieuses pour transformer tout désastre potentiel en opportunité.